Lire Lolita à Téhéran – Azar Nafisi (FeminiBooks 2019)

Azar Nafisi était professeure de littérature persane et étrangère à l’université de Téhéran juste après la révolution de 1979, révolution qu’elle avait suivie de loin pendant ses études aux États-Unis. Ses cours débouchent régulièrement sur des considérations politiques puisque ses étudiant·es sont généralement très impliqué·es dans la politique du pays et se divisent en différentes fractions. Très rapidement, l’université devient un pôle politique bien plus qu’un lieu d’enseignement, d’une part parce que les étudiant·es se battent pour leurs idéaux, et d’autre part parce que le régime en place veut avoir la mainmise sur l’éducation afin de s’assurer la loyauté – ou du moins l’obéissance – du peuple. Et quoi de mieux que de passer par les jeunes ?

Lire Lolita à Téhéran est donc d’un essai écrit par Azar Nafisi dans lequel elle narre sa vie en Iran depuis son retour après la révolution, jusqu’à son départ vers les États-Unis. Le livre se divise en quatre parties, quatre romans qu’elle a enseignés et dont les thèmes ont engendré des débats houleux parmi ses étudiant·es ou même ses proches.
Ma lecture n’a pas été très rapide, d’abord parce que c’est quand même un gros livre qui n’entrait pas facilement dans mon sac, et surtout parce que le sujet principal – la vie des femmes dans une république islamiste – était pesant, malgré toutes les digressions littéraires de l’autrice. Elle aborde des sujets difficiles (torture, viol, meurtre, etc.) mais jamais de manière explicite, comme si elle ne voulait pas vraiment les approfondir. Ainsi, deux de ses étudiantes vont lui raconter leur « séjour » en prison dans peut-être maximum trois paragraphes. Ce n’est pas pour autant que c’est pris à la légère, on sent juste une certaine distance pour se protéger elle-même.
Il est difficile parfois de comprendre les enjeux politiques dans cet Iran post révolution, parce que tout semble très confus même pour les intervenants principaux. Je ne suis pas sûre d’en savoir bien plus sur cette époque et sur ce pays qu’avant ma lecture, mais j’ai en tout cas une idée plus précise de la vie quotidienne de ces femmes sous le régime de Khomeini.



Ce que je retiens de ce livre, c’est la sincérité de l’autrice dans son récit, car elle n’essaye pas de cacher sa peur, ses convictions parfois mal placées ou ses réactions parfois puériles contre un monde qui veut la faire taire. Elle parvient également à transmettre toute la tendresse et l’affection qui la lient à ses étudiantes, dans son petit cocon littéraire et protecteur qu’elle a su créer chez elle.
Choisir ce titre pour le FeminiBooks challenge a été une évidence. Quel livre pouvait mieux représenter le féminisme intersectionnel qu’un récit qui se déroule en Iran ? En effet, dans notre société européenne occidentale où le féminisme est utilisé à tort et à travers pour couvrir une islamophobie crasse, de nombreuses personnes malavisées veulent empêcher les femmes de porter le voile sous prétexte qu’en Iran, elles voudraient ne pas le porter. J’ai trouvé donc intéressant de voir comment, justement, les femmes iraniennes vivaient cette obligation. Et ce qui en sort, comme on s’y attend, c’est que le voile n’est pas le problème, c’est le patriarcat.


En dehors de toute considération religieuse, il ne faut pas oublier que le féminisme se bat pour que les femmes puissent s’habiller ou se dévêtir selon leur bon vouloir et qu’on cesse de les prendre pour des cruches sans aucun esprit critique dès qu’elles ont une religion ou culture différente à la nôtre. 

Traduction de l'anglais par Marie-Hélène Dumas

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